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BSA Bern, Architektur verstehen, , Alain-G. Tschumi

La lumiere naturelle dans l’art et l’architecture

La lumiere naturelle dans l’art et l’architecture
Thomas Huber - aquarelle - titre : Wittenberg – 2017 - 50 x 65 cm

Cette aquarelle est une œuvre préparatoire au tableau  à l’huile, 2017 (100 x 130 cm), exposé par l’artiste du 19 mai au 17 septembre 2017 dans une cellule de la vieille prison de Wittenberg (Saxe Anhalt, Allemagne) lors de l’exposition « Luther et l’Avant-garde » à laquelle il a été invité, ainsi que les plus grands artistes du moment, tels Ai Wei Wei, Markus Lüpertz, Christian Boltanski, Olafur Eliasson, etc., à l’occasion du 500e anniversaire de l’affichage, par Martin Luther, le 31 octobre 1517, sur la porte de la Schlosskirche de Wittenberg, de ses 95 thèses contre le commerce des indulgences.

Thomas Huber – Peinture à l’huile dans la cellule de la prison de Wittenberg – 2017 – 100x130 cm

Thomas Huber – Peinture à l’huile dans la cellule de la prison de Wittenberg – 2017 – 100x130 cm

La photo ci-dessus est prise devant la porte de la cellule de la vieille prison confiée à Thomas Huber. Le tableau accroché par l’artiste représente la cellule dans laquelle il est exposé, une mise en abyme très claire, qui reprend ainsi un procédé souvent utilisé par de nombreux peintres, tels Velasquez ou Vermeer. L’architecture est omniprésente dans ce tableau, ainsi que dans la presque totalité des  œuvres de l’artiste, accompagnée ici par la présence majeure de la lumière naturelle et de sa pénétration dans l’espace construit. L’artiste, né en 1955, n’est peut-être pas pour rien le fils de notre confrère Benedikt Huber, architecte, mon collègue à l’EPFZ et mon camarade d’étude dans cette même école de 1947 à 1952, et de Martha Huber-Villiger. Thomas Huber,  enseignant dans une école d’art, a beaucoup écrit et théorisé son œuvre par de nombreux discours et écrits. Le thème imposé pour l’exposition « Luther et l’Avant-garde » ne peut lui être indifférent, de même que les rapports entre l’art et la spiritualité.

L’aquarelle et le tableau présentent, à quelques différences près, dans la cellule de la vieille prison de Wittenberg, de manière minimaliste, quatre taches rectangulaires appariées deux à deux. Au sol, une tache de lumière (blanche dans l’aquarelle, avec l’ombre des croisillons de la fenêtre dans le tableau) illustre la pénétration par la fenêtre de la lumière (DIVINE ?) et répond à la tache de lumière (L’ART ?) laissée sur le mur par le décrochage du tableau posé sur le sol. Les deux autres taches de lumière laissent entrevoir une signification plus matérielle, l’une, quadripartite, le cadre de bois sur lequel est fixée la toile du tableau, répond à l’autre, hexapartite, le cadre de la fenêtre de la cellule à travers laquelle pénètre la lumière. Le jeu énigmatique de ces quatre taches me fascine et m’intrigue. Que signifient-elles ? Qu’y a-t-il sur la toile dont nous ne voyons que le dos ? Quel rapport entre ce jeu mystérieux et la prison dans laquelle nous sommes enfermés ? Quels rapports illustrent-ils entre dogme et iconoclasme, entre Verbe et Image, Divin et Art, entre signe et signifié, abstraction et vide ? Je peux rester des heures à m’interroger sur la signification de ce tableau. Mais n’est-ce pas la fonction première de l’art que de nous confronter à des questions auxquelles nous ne trouverons peut-être jamais la réponse ? De poser des questions et non à apporter des réponses ?

La lumière naturelle, sa pénétration dans l’espace architectural, ce furent mes thèmes de recherche permanents pendant les treize années que je passai à l’EPFL. J’ai toujours été admiratif de la belle phrase de Louis Kahn : « La lumière ne savait pas ce qu’elle était avant de rencontrer un mur ».

J’ai acheté il y a plusieurs années une petite estampe (1991 – 24 x 29.3 cm) d’un autre artiste suisse que j’admire, Markus Rätz, « Le poids de la lumière ». Et quel poids dans le domaine de l’architecture !

PS : Site internet de Thomas Huber : www.huberville.de

Alain-G. Tschumi 12.03.2018