A Fonso Boschetti
Je n’ai pas eu l’opportunité de bien connaître Fonso Boschetti, mais son nom revenait régulièrement dans les publications spécialisées. Cela s'expliquait soit parce qu’il était lauréat de concours importants, soit par certaines de ses réalisations qui captaient l’attention des critiques. Plutôt que de m’aventurer à parler de l’homme, je préfère m’attarder sur son œuvre. Je suis convaincu qu’il a compté parmi les figures marquantes de l’architecture de la modernité et post-modernité en Suisse romande. En effet, son parcours s’inscrit dans une période de transition marquée par un changement de paradigme, notamment sous l’influence de la Biennale de Venise de 1980 et sa devise évocatrice : « Le passé comme un ami. »
Il est rare qu’un architecte entame sa carrière avec une œuvre marquante issue d’une commande institutionnelle. C’est pourtant le cas de Fonso Boschetti. Né en 1932 à Vezio, dans le Tessin, il se forme au Technicum de Lugano avant d’obtenir son diplôme d’architecte de l'Etat de Vaud en 1964. Dès l’année suivante, il fonde son atelier d’architecture à Lausanne. Très tôt, il se distingue en participant à la conception de l’église Notre-Dame-de-Lavaux, un projet ambitieux initié en 1957 en collaboration avec Paul-Louis Tardin.
Implanté dans un contexte rural, cet édifice religieux, véritable chef-d’œuvre, s’inscrit dans un paysage marqué par les murs de vignes et les terrasses qui sculptent la pente. L’église, avec son volume imposant et sa plastique remarquable, se détache sur un fond dominé par l’horizontalité environnante. Elle prend la forme d’une pyramide en béton brut de décoffrage, une architecture saisissante qui capte et diffuse une lumière zénithale. Ce jeu subtil de lumière confère à l’espace une atmosphère spirituelle d’une grande intensité.
Le parcours professionnel de Fonso Boschetti se poursuit avec intensité dans les décennies suivantes, marqué par une activité soutenue dans le domaine des concours d’architecture, où il excelle. L’un des premiers succès notables de cette pratique est le concours pour l’école de Camorino, au Tessin, remporté en 1974. Bien que ce projet reste non réalisé, il témoigne déjà de sa capacité à concevoir des réponses architecturales innovantes et pertinentes. Par la suite, il collabore fréquemment avec son ami et complice Ivan Kolecek, formant un duo particulièrement créatif.
Comme nombre d’architectes de sa génération, Fonso Boschetti a été confronté au thème de l’école, un domaine dans lequel il s’est distingué par des réalisations remarquables. Parmi celles-ci figurent le centre scolaire et culturel de Corsy-sur-Lutry (1989-1995), le centre scolaire du Boissonet à Lausanne (1990-1994), ainsi que l’École cantonale pour enfants sourds (1986-1996), également située à Lausanne. Parallèlement, l’architecture domestique a occupé une place importante dans sa carrière. Ses premiers projets incluent les immeubles réalisés à Vennes entre 1966 et 1970. Plus tard, il signe la conception de trois immeubles d’habitation articulés à la Grangette à Lausanne (1983-1988), témoignant de son intérêt constant pour ce domaine.
Il a également été appelé à enseigner, d’abord en tant qu’assistant au Département d’architecture de l’EPFL en 1968 et 1969, puis en tant que professeur invité en 1985 et 1989. A cette occasion, il exprime avec force sa conviction que le projet d’architecture est un outil essentiel pour comprendre la ville. S’inscrivant dans une optique rossienne, il met en avant l’importance de réfléchir aux relations entre l’architecture et la ville. Il insiste sur la nécessité d’identifier les faits urbains significatifs et d’analyser la structure urbaine dans une perspective historique, soulignant ainsi le rôle de l’architecture dans les dynamiques et les continuités du tissu urbain.
Cette relation au territoire et à la ville, conjuguée à un intérêt marqué pour la géométrie et les formes pures, constitue un fondement essentiel de nombreuses réalisations de Fonso Boschetti, notamment dans le domaine des bâtiments institutionnels. Parmi ses œuvres emblématiques, on peut citer le centre communal de Chéserex (1984-1989), la prison de la Tuilière à Lonay (1986-1992), conçue en collaboration avec Ivan Kolecek, ainsi que l’agrandissement du Tribunal fédéral de Lausanne (1990-2000). Ces projets témoignent de sa capacité à articuler des réponses architecturales rigoureuses avec une compréhension profonde du contexte et des exigences institutionnelles.
Je souhaite conclure cet hommage par l’évocation du Bâtiment des serres de l’Institut de biologie, réalisé entre 1981 et 1983. Ce projet, à mes yeux, incarne l’essence de l’approche architecturale de Fonso Boschetti. Je rejoins pleinement le critique Paolo Fumagalli qui écrit dans Werk, Bauen + Wohnen : « Avec cette réalisation, certes simple et modeste mais cohérente par rapport aux impératifs fonctionnels, et logique dans son procédé de construction, on peut dire que Fonso Boschetti tient là sa meilleure œuvre, mais aussi son œuvre la plus sincère ».
Fonso Boschetti nous laisse en héritage une œuvre architecturale remarquable, qui marque durablement le paysage de la Suisse romande à la fin du XXᵉ siècle et au début du XXIᵉ. Ses réalisations, devenues des références incontournables, continueront d’inspirer et d’interroger les regards à travers le temps.
Lausanne, le 8 décembre 2024