Découvrir le patrimoine bâti existant pour l’architecture n’est pas réservé à notre époque. Dans les années 1970 déjà, le changement de paradigme qui s’opérait alors dans le discours architectural faisait de la poursuite de la construction de la ville un thème déterminant. Mais contrairement à l’époque, le changement climatique, le gaspillage des ressources et la consommation de CO₂ des nouvelles constructions ainsi que la densification intérieure sont aujourd’hui des moteurs sociaux importants pour la réflexion et la réinterprétation des structures existantes. Les lieux concernés se sont également déplacés: la poursuite de la construction dans un contexte suburbain libère un immense potentiel, mais pose également aux planificateurs des défis totalement nouveaux. Il ne s’agit que rarement de lieux chargés d’histoire. Ces lieux se caractérisent plutôt par leur fragmentation, leur croissance rapide, leur apathie urbanistique et leur grande échelle. Réparer la ville et continuer à la construire constituent ainsi une mission fondamentale pour créer des espaces où il fait bon vivre.
Continuer à construire implique aussi de prendre soin de l’existant, non seulement de ses valeurs matérielles, mais aussi de ses valeurs idéales. Mais il s’agit surtout de la part trans- formatrice, de la manière de se rattacher à l’existant, de le remodeler, de le rendre utilisable et expérimentable pour notre époque et – objectif honorable mais incertain – également pour l’avenir. Que ce soit dans de petites villes françaises, dans l’ouest bâlois ou dans la ville belge de Charleroi, les lieux où se poursuit la construction sur des structures architecturales et sociales existantes sont variés, complexes en soi et ne peuvent donc pas être maîtrisés avec des recettes standardisées. Il faut des processus de planification appropriés, voire expérimentaux, permettant d’impliquer différents acteurs et intérêts; une véritable poursuite de la cons- truction de la ville ne peut réussir que dans le cadre d’un processus démocratique et inclusif.
Les professionnels de l’architecture devraient aborder ce processus avec une bonne dose de curiosité, d’ouverture et de plaisir à expérimen- ter. La question qui se pose également est celle de la transposition en qualités spatiales qui agissent en elles-mêmes, mais aussi en tant que partie d’un ensemble plus vaste. Il est pro- bable que l’une ou l’autre se souvienne alors du conseil de Luigi Snozzi: «Si tu construis un chemin, une maison, un quartier, pense à la ville». — Lucia Gratz, Jenny Keller